Focus sur l’article 30-1 de l’Acte uniforme OHADA du 17 octobre 2023 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Published on :
17/06/2024
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June
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06
2024
Plus de 25 ans après l’adoption de l’acte unique portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, les praticiens du droit et les créanciers continuent de souligner les difficultés de l’OHADA en matière de recouvrement de créances. Ces difficultés incluent l’appréciation du caractère certain de la créance, la nature juridique de l’acte de non-conciliation, ainsi que des questions relatives aux procédures d’injonction de payer, à l’immunité d’exécution, et aux saisies-attribution.
Le 17 octobre 2023, le Conseil des ministres de l’OHADA a adopté un nouvel acte uniforme, abrogeant et remplaçant son prédécesseur. Cette adoption constitue une étape importante dans l’amélioration du cadre juridique régissant le recouvrement des créances, et l’exécution forcée au sein de l’espace OHADA.
Ce nouvel acte uniforme vise à renforcer la sécurité juridique et à faciliter les procédures de recouvrement des créances commerciales. Parmi les dispositions nouvelles de cet acte uniforme, entré en vigueur le 16 février 2024, l’article 30-1 permet à un créancier de faire inscrire sa créance dans le budget de la personne morale de droit public concernée.
Ce nouveau dispositif mérite d’être examiné et sa portée, discutée.
Champ d’application et procédure
L’article 30-1 de l’acte uniforme révisé s’applique à toutes les créances constatées par un titre exécutoire ou une reconnaissance de dette par une personne morale de droit public (État, collectivité territoriale, établissement).
De facto, son objectif est de garantir le paiement de ces créances, qu’elles soient détenues par des particuliers ou des entités, envers des personnes morales de droit public. Cette disposition nouvelle contrecarre l’immunité d’exécution dont elles bénéficient. Ainsi, en l’absence de saisie des biens, le créancier peut désormais demander l’inscription de la dette dans les comptes de l’exercice et le budget du débiteur.
La procédure prévue par l’article 30-1 est la suivante : le créancier doit adresser une mise en demeure à l’organe ou l’autorité compétente, en vue d’obtenir le remboursement de la dette.
Si la mise en demeure reste sans effet dans un délai de trois (3) mois, le créancier peut demander l’inscription d’office de la dette dans les comptes de l’exercice et dans le budget de la personne publique débitrice, au titre des dépenses obligatoires.
Ainsi, la demande d’inscription doit être adressée au ministre chargé des Finances, accompagnée de pièces justificatives de la créance (titre exécutoire ou reconnaissance de dette, et preuve de la mise en demeure infructueuse).
Intérêt et portée de l’article 30-1
Au premier abord, cet article semble introduire une innovation majeure concernant le recouvrement des dettes des personnes publiques.
Et de fait, cette nouvelle procédure augmentera peut-être la probabilité pour les créanciers de l’État d’obtenir le paiement de leurs créances, puisque les dettes sont officiellement reconnues et budgétisées en tant que dépenses dites « obligatoires ». En conséquence, les personnes morales débitrices sont incitées à honorer leurs obligations financières, en régularisant les dettes restant impayées dans les délais les plus brefs.
À ce titre, l’article 30-1 dispose que les créances inscrites portent automatiquement intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, compensant le créancier pour le retard de paiement subi.
Néanmoins, bien que cette mesure novatrice soit favorable aux créanciers, le principe posé par l’article 30 de l’Acte uniforme demeure : « il n’y a pas d’exécution forcée ni de mesures conservatoires contre les personnes morales de droit public ». L’on voit donc mal comment la nouvelle disposition pourrait inciter les personnes morales de droit public à payer une dette, dès lors que, par principe, elles ne peuvent y être contraintes.
Faisons toutefois le pari que la pratique révélera un assouplissement de la position des personnes morales de droit public confrontées à des demandes de paiement parfaitement légitimes.
Il serait peut-être temps de repenser l’immunité d’exécution : si elle peut se concevoir pour empêcher le créancier indélicat de saisir le bien public, le patrimoine immobilier par exemple, demeure-t-il acceptable qu’elle permette à l’État de se dispenser de payer, par exemple, des condamnations prononcées par des juridictions, dans le cadre de décisions purgées de tous recours et exécutoires ? Un tel privilège est-il encore compatible avec les contraintes de l’économie moderne et n’est-il pas un frein aux investissements étrangers, pourtant nécessaires au développement du continent africain ?
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